Images du CD-rom La Tour, l'art pour l'âme



L'adoration des bergers

          "Noël" vu par La Tour : de part et d'autre du tableau, Marie et Joseph semblent deux statues symétriques bornant l'accès d'un temple. Entrons par la pliure de l'image vers l'intérieur de ce sanctuaire où nous appelle le grand Mystère : un Enfant-Dieu couché sur la paille.
          De même que cinq doigts ombreux se replient sur la flamme, de même cinq personnages, cinq visages coiffant cinq bustes s'abaissent vers l'Enfant! C'est donc une Main gigantesque ouverte devant nous, dont la paume soutient Jésus dormant et dont les cinq doigts ont chacun face humaine! Comment exprimer avec plus de saisissement la vérité première de l'Incarnation par laquelle Dieu S'est abandonné dans la main des hommes?
          Considérons à gauche le vêtement du Père. Il s'ouvre en large fente à partir du premier bouton, seul attaché. La manche de la Vierge est habilement déployée pour masquer le bas de la veste paternelle d'où paraît enfin sortir l'agnelet présenté comme cadeau. Tout se passe comme si l'Agneau, symbole du Christ offert en victime sacrificielle, émergeait des entrailles du Père par une césarienne mystique.






Saint Joseph charpentier

          Dans l'atelier de Nazareth, Jésus-Enfant éclaire saint Joseph, son père nourricier. Si Joseph se tait, ce n'est pas que son travail lui fasse oublier Qui l'assiste : car il croit en ce Dieu Qu'il a reçu pour son fils! Aussi toute l'attention, toute la vie de son visage se concentrent-elles dans l'infime lueur de l'oeil. Sa pupille est ici le canal d'une volonté puissamment affermie par la Grâce, dans la passion d'un acte de foi radical. Elle scrute ce mystère d'un Dieu-Garçonnet, dont la simple splendeur confond sa mémoire et ravit son esprit.
          Nous savons désormais reconnaître cette Croix savamment camouflée dans le tableau : la tarière est plantée en son centre, tel le poignard du sacrificateur au milieu de l'autel, dans la longueur duquel, comme l'indique la symétrie de Ses genoux par rapport à la poutre centrale, Jésus-Victime bientôt S'allongera.
          Doux écran translucide, la main de Jésus s'interpose entre le cierge et nous, entre la Lumière et les Nations, pour réserver à l'intimité familiale les premières paroles du Salut que la multitude ne connaîtra qu'en son temps.






Saint Sébastien soigné par sainte Irène

          Miraculeusement, le jeune officier romain a survécu au martyre infligé par l'empereur en haine de la foi chrétienne. Irène est sur le point de le constater en élevant comme pour la baiser la main de celui qu'elle croit trépassé, mais dont ses doigts sur sa veine lui révéleront dans un instant qu'y bat encore un faible pouls.
          Cette colonne du supplice où les archers avaient attaché Sébastien est un arbre, comme l'indiquent les deux petites feuilles perdues au sommet du tronc. Une brève traînée de sang reproduit sur l'écorce lisse et vierge, la marque déjà mentionnée sur le ventre pâle et dégagé du martyr, juste sous la flèche. Celle-ci, on le déduit, a traversé l'abdomen de part en part, inscrivant sur le chêne l'impact reçu par le corps à présent effondré.
          Si le tableau nous réjouit ici par la découverte imminente d'une survie strictement corporelle, c'est à défaut de pouvoir, par des couleurs et des lignes, représenter la survie spirituelle de l'âme du martyr, accueillie dans la gloire céleste. Haut les coeurs : l'ami que les veilleurs croient mort, nous dit La Tour, leur apparaîtra vivant sous peu!






Synthèse du triptyque

          Ces trois tableaux distincts fonctionnent comme une seule image attirant les bergers et la Sainte Vierge (de l'Adoration) d'une part, les trois veilleurs (du Saint Sébastien) d'autre part, autour d'une scène unique occupée par trois rôles constants : le porte-cierge (qu'interprètent simultanément saint Joseph dans l'Adoration, l'Enfant-Jésus dans Saint Joseph charpentier, et sainte Irène dans le Saint Sébastien) ; la chandelle (que tiennent chacun des trois céroféraires) ; et le corps gisant (figuré respectivement par le Poupon dans l'Adoration, par la poutre dans Saint Joseph charpentier, et par Sébastien dans le Saint Sébastien).
          Les proportions visibles de l'"arme" (en vert) décroissent à mesure qu'augmentent celles de la "chandelle" (en rouge). Au terme de ce mouvement, dans le dernier volet du triptyque (le Saint Sébastien), la flèche émerge d'autant moins qu'elle est plus fatalement fichée dans le ventre du jeune homme. Cette réduction de l'arme, signalant la consommation du martyre, motive donc la croissance du cierge et de la flamme. Nous le comprenons à présent : l'accomplissement du sacrifice procure une illumination proportionnelle des ténèbres alentour.
          Comme un cygne, vif archer, d'un trait décoche au plus profond des eaux son cou raidi pour saisir un pauvre alevin, l'Ange a plongé dans ma poitrine obturée par le monde un doigt de fer plus doux que plume lorsqu'il eût percé mon coeur! Qui donc est un martyr? J'ai laissé tout mon être ordonner par l'Amour. J'ai eu Dieu pour tout pôle ; pour faits et gestes ceux de l'aiguille aimantée : elle indiquait un nord - ils signalent sa Grâce.


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Dernière mise à jour :
28-nov.-2003