Images du CD-rom La Tour, l'art pour l'âme



La Vocation de saint Matthieu

          "Moi? Comment donc cet appel a-t-il pu parvenir jusqu'à moi? Le monde où je m'affaire n'est-il pas assez dense et clos pour comprimer les mouvements de toute âme?" De fait Matthieu s'étonne. Il avait pourtant fermé la fenêtre, il s'était rencogné loin de la porte. Le dos au mur, le ventre sur la table et les flancs protégés chacun par une paire de convives : ainsi gardé à droite, à gauche, devant, derrière, par où l'atteindrait-on, qui pourrait le rejoindre?
           Michelangelo Merisi, l'auteur du présent tableau, nous invite à lire ici l'appel que Jésus lance à Matthieu comme une citation de son célèbre homonyme et devancier, l'autre Michel-Ange, peintre de la Chapelle Sixtine. En effet, dans la Création d'Adam (parmi les épisodes de cette fresque, sans doute le plus célèbre) l'homme a la main pendante, tandis que Dieu a la main tendue ; cela pour exprimer la transmission de la vie par le Créateur Qui la possède en plénitude, à la créature* qui ne la reçoit que par grâce.
          Ce tabouret figure, avec le volet qui le surplombe (tous deux sont du même bois orné des mêmes moulures, de même couleur et de même largeur) les bornes entre lesquelles il faut passer dans ce tableau, du compartiment pécheur (la partie de gauche) à l'espace de grâce (la partie de droite) ; des convives à Jésus, du monde à Dieu.
          Surge! Ô Lévi lève-toi, car Sa volonté que ton Dieu te découvre t'assure en même temps de Son soutien pratique. Surge! tu le vois, tu l'entends : veuille-le et sois sauvé. Et Lévi se lève et il croit et il suit Celui Qui est entré dans ce tripot sans jour, pour Se manifester comme l'intime Amant et l'Hôte s'il vous plaît de votre âme sans prix.






La Cène d'Emmaüs

          Au jour de la Résurrection, les pèlerins d'Emmaüs écarquillent les yeux dans l'aurore du salut où Se révèle à eux, ô Soleil de Justice, le Christ ressuscité! Voici l'heure de grâce : silencieux, immobiles, fixons notre regard sur ce moment précis... A la clarté pascale de l'Epoux divin, l'humanité s'éveille comme d'un long sommeil où la tenait captive le Prince mondain! Notre présente toile est comme impressionnée, photographiquement, par le rayonnement de cet instant béni... dont le peintre témoigne.
          Emerge donc, de l'obscurité de sa demeure, debout, ce couple âgé. Leurs têtes s'inclinent l'une vers l'autre, symétriques par rapport à la colonne d'ombre qui s'élève depuis la tête de Cléophas. Mais ils ne se regardent pas : c'est leur commune honte qui les associe, plutôt qu'une tendre estime. Ils figurent les deux parts, masculine et féminine, de la même humanité déchue. Leurs visages se renvoient comme un reflet l'amertume et l'ennui d'avoir jusqu'à cette heure aux enfers attendu tel Salut, dont leurs enfants assis devant eux s'émerveillent soudain.
          Ainsi, en partant de la main gauche de Cléophas, en passant ensuite par sa dextre, puis par les mains de Jésus et de l'inconnu, on parcourt une spirale qui figure un envol circulaire à partir de la table. En outre, cette spirale est équilibrée par trois objets (comestibles) qui occupent le centre de chaque paire de mains : la cruche de vin pour Cléophas (derrière laquelle on aperçoit un verre à moitié plein), le pain rompu pour le Christ, le pain intact pour l'inconnu.
          Dès lors voyez l'unité dynamique et joyeuse qui réunit les deux pèlerins : oubliées leur triste débandade, leur désertion de Jérusalem - le Christ fait d'eux par le don de la Foi les membres du seul Corps auquel la grâce attend de greffer tous les hommes. L'unité perdue des premiers conjoints est ici somptueusement restaurée, accrue même par la diversité des personnes que rassemblera ce Corps mystique du Christ, qui est l'universelle Eglise.






Le Crucifiement de saint Pierre

          
          Le grand et le petit triangles nous apparaissent alors comme deux chevrons imbriqués, ouvrant tous deux sur la droite pour amener notre regard vers la prunelle* même de l'Apôtre. Nous observons que le plus vaste triangle (de la croix avec la corde) loge en son centre le triangle du linge comme sa copie réduite et proportionnée.
           Le spectacle qui l'absorbe - jusqu'à lui faire oublier, semble-t-il, l'événement qui distrait ses bourreaux - c'est au flanc des collines en maints gradins s'étirant les palais dont les terrasses luisent dans le crépuscule ; c'est le long méandre du fleuve barré d'un pont comme une poutre dont les clous écartèlent les deux rives ; c'est de tant de foyers où l'on dresse une table la fumée qui monte en filet pâle et tisse tel un chanvre un pagne flottant sur la Ville : c'est Elle enfin de murs vicieux enceinte la Cité superbe, Rome!
          Il n'est donc plus un tortionnaire, le terrassier beige dont la pelle va mettre à l'abri ce gros bloc de "pierre" (au premier plan au centre), il est un joaillier prudent : ayant serti de quatre doigts de fer un trop précieux caillou, il le cèle* au milieu du champ qu'il croit désert.
           "Mes bras vous sont ouverts mais, déchirée cette nuit ma paume n'a rien à vous offrir ; à moins... Si vous approchiez d'elle, plus près, voici... Par cette faille que ma main vous présente, d'où s'élève la tête aplatie d'indisputables clefs, s'il vous plaît d'avancer le regard... Alors qu'il fait si sombre, voyez si cette plaie reluit : tel le trou dans vos froides cellules - vos nuits - d'une serrure devant un feu. S'en échappe un Rayon qui n'attend que votre œil : n'est-ce pas le Soleil Qui Se lève pour vous? Allons ; à Lui."


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Dernière mise à jour :
28-nov.-2003